A Grenoble, on a de la chance, 20 ans déjà que notre petite ville de province accueille les plus grandes œuvre d’art. Vingt ans que notre cité des alpes occupe une place privilégiée dans le paysage de l’art contemporain européen. C’est l’occasion, pour notre journal, de revenir sur les événements culturels offert au grenoblois ces deux dernières décennies. Il s’agit aussi d’opérer un retour sur l’action de son directeur Guy Tosatto et de ses équipes. Quelles ont été les différentes orientations culturelles développées à Grenoble par notre si beau musée ? Rétrospective.
Notre musée est d’abord un bel édifice, un exemple d’architecture contemporaine, construit sur les ruines d’une caserne. La caserne avait été rasée dans les années 70 au profit d’un triste parking. La tour de l’Isle, édifice du XIVe siècle attenant à la caserne a été restauré et accueil depuis le 29 janvier 1994 divers expositions. Les collections de l’ancien musée de peinture, qui il faut le rappeler avait été inaugurée par Stendhal, (ainsi Grenoble occupait déjà à l’époque une place de choix pour l’art), ont ainsi été rapatrié. La mission essentielle du musée : la conservation et la mise en valeur des collections, ainsi que leur enrichissement. Abritant des œuvres antiques et des œuvres du XIIe siècle à aujourd’hui. En effet, depuis 1994, le musée n’a de cesse de collaborer, d’échanger et d’agrandir ou du moins de raffiner ses collections permanentes avec un des plus grand fond d’art contemporain de France (la deuxième après le musée Beaubourg à Paris).
Et dans cet imbroglio entre musée Grenoble est à l’honneur puisque le Louvre prêtera son Autoportrait au chevalet de Rembrandt en lien avec l’exposition prévu sur les dessins nordiques, alors que le musée a refusé de prêter un Jordaens pour le petit palais à Paris Gardant ainsi sa prestigieuse collection au complet avec un Rembrandt trois Van Goyen et un Beerenberg. Avantage Grenoble donc mais toujours pour des bonnes raison et le jeu peut continuer grâce notamment aux familles des artistes dont certaines prêtent sans compté à la gloire de leurs aïeux, mais aussi grâce aux fonds de certains collectionneur. Ainsi C’est grâce aux prêts de nombreuses œuvres par les héritiers de Polke que la prochaine exposition temporaire qui lui est consacré aura lieu. (cf article en page deux)
Pour ses vingt ans le musée prévoit des activités pour tous les âges. Il accueillera des jeunes pours des parcours ateliers décalé et pédagogique. La onzième nocturne des étudiants « Osez le musée » aura par ailleurs lieu le mercredi 26 mars de 20 h à minuit. Les amis du musée toujours présent organisent trois cycles de conférence, un voyage, une journée culturelle et des visites commentées thématiques. Sans oublier le mois de l’accessibilité, avec l’atelier « y a rien à voir » et « les cinq sens ». Une visite en langue des signes française aura aussi lieu.
Cet anniversaire offrira aussi au musée l’occasion de renouveler ses expositions estivales (il les avait interrompues faute de moyen) avec « Une collection de chefs-d’œuvre » du 5 juillet au 28 septembre. Des œuvres diluées dans les collections permanentes seront ainsi mise en avant.
Notre musée est donc riche d’un fond qu’il se charge culturelle qu’il se charge de communiqué à tous ; mais ce qui fait a fait la vie de notre musée ce sont surtout ses expositions temporaire. Une petite histoire des moments qui ont marqué cette double décennie s’impose :
Le musée se tourne dès la deuxième année de son existence vers l’art contemporain, en accueillant l’artiste Rebecca Hour en 1995. En 1997, un vent libertaire souffle sur Grenoble grâce à l’émotion du pointillisme de Signac peintre et paysagiste français avec « la libération de la couleur ». Le musée fait ensuite la part belle à son cadre privilégié au cœur des alpes avec « Le sentiment de la montagne : visions contemporaines », 1998 nous entraina donc à une réflexion philosophique sur les représentations artistique de ces grand espaces, et nous tire loin de l’agitation de la coupe du monde. C’est ensuite « un siècle d’art à Berlin ; collection Berlinische galerie » qui nous fera voyager dans le bouillon de culture de la capital allemande dix ans après la chute du mur en 1999.
Le musée ouvre paradoxalement le nouveau millénaire avec l’art classique du « Raphaël français » Eustache Le Sueur. C’est avec force qu’il engage la conversation avec nos voisins de l’art italien avec « Le temps de la mélancolie 1912-1935 » du 12 Mars–12 Juin 2005 Plus de cent œuvres provenant des plus grands musées européens (Düsseldorf, Zurich, Stuttgart…)et faisant la part belle à
l’art métaphysique _ la metafisica _ qui allait inspirer les futuristes en 2005 et l’impressionnisme, de France et d’Amérique : Monet, Renoir, Sisley, Degas en 2008.
C’est ensuite au tour de Chagall d’être à l’honneur par le biais de son avant-garde russe dans les collections du musée national d’art moderne en 2011. Et on se souvient peut être encore de l’expo Die Brücke, 1905 1914, aux origines de l’expressionnisme l’année dernière. Et la dernière en date : Alberto Giacometti espace, tête, figure.
Polke :
Le musée à vingt ans et les expositions temporaire continues, Monsieur Tosatto nous préviens : « Les deux prochaines saisons seront plutôt tournées vers l’art contemporain ; on retrouvera nos grandes expositions autour d’une grande figure internationale en 2015… »
Ainsi la prochaine manifestation culturelle du musée se penchera, juste avant la rétrospective qui lui est consacré au Moma de New-York, sur l’artiste contemporain Sigmar Polke. Peintre de la fin du vingtième siècle: il expose à Nîmes puis à Nantes et Vizille pour un premier tour de piste discret. C’est à cette occasion que le directeur Tosatto fera sa connaissance et se liera d’amitié le musée de Grenoble lui commandant même une toile. Pour nous introduire à cet artiste assez méconnu du grand public français, on s’attendait à une copieuse mise-en-bouche lors de la conférence de présentation par son ami Tosatto, Mais le directeur et ami de l’artiste reste tout d’abord vague, ne tarissant pas d’éloge pour l’artiste : « cette œuvre me paraît tout à fait essentielle ! ». Concentrons-nous donc plutôt sur ce fameux tableau commandé à l’occasion de cette amitié afin de cerner ce qu’il en est. Il s’agit de « On donne du grain aux poules » (2005), une métaphore pleine de clin d’œil sur le rapport de l’art et des musées au public. Le problème est donc plus fin qu’il n’y semble puisqu’en faisant de ce tableau le centre de son exposition Grenoble célèbre en clin d’œil ses vingt ans de travaux à la redistribution d’une culture élitiste. Les poules peuvent donc être des images des musées ou des personnes qui les peuplent. Le tableau interroge la place de l’artiste et du monde de l’art à travers une image qui parle aussi d’elle-même puisqu’elle est réalisée avec une technique rappelant le pointillisme, qui fait ressortir tout le grain de l’image. Ici Tosatto en exégète nous renseigne avec enthousiasme en faisant le lien avec son succès outre atlantique : « C’est l’alter ego de Gerhard Richter ; ils se sont tous les deux interrogé sur la notion de l’image. Et pendant que Richter s’inscrivait dans une sorte de méthode et de pensée du système peint, Polke aura constamment placé la liberté de l’artiste au centre de son œuvre ! »
C’est un voyage en Australie qui l’entraine à cette considérer la société avec ironie : « Après avoir vécu en communauté et s’être adonné à la drogue au cours de la décennie 70, Sigmar Polke a découvert l’art aborigène. Et après son retour, à Cologne, il s’est passionné pour la chimie et les sciences occultes! » Un artiste plus profond qu’il n’y parais d’abord donc : « Depuis vingt ans que je fréquente l’œuvre de Sigmar Polke, je continue d’y découvrir des choses… »
Une centaine d’œuvres – en comptant les réalisations sur papier – signées entre 1980 et 2010 par le Lion d’Or 1986 de la Biennale de Venise seront proposé dès l’ouverture. Le grain est lâché, il faudra certes le picoré, mais plus encore le réfléchir et c’est là où se trouve l’enrichissement.
Denis Morin